2022-Cavallaro Héctor “« Téléologie négative » : comportements (éthologie) et mouvements (cinématique) de musiques non téléologiques”


Sous la direction de Jean-Paul Olive. 

 

L’écriture musicale occidentale s’est pendant longtemps construite à l’image d’un dispositif discursif et temporel privilégiant le déploiement linéaire et causal de la forme. Ainsi, le mouvement de la matière musicale – et avec lui, le sens musical lui-même – se trouvait pris « sur les rails » d’un parcours directionnel évolutif, c’est-à-dire, téléologique. Cependant, cette apparence « téléologique » de la musique, à savoir, sa suite temporelle « conformément au temps » ne serait qu’un artifice (Adorno, 2011 [1974] : 45). Dès qu’on le regarde de près, le temps en musique dévoile sa véritable image, proche plutôt d’une « lave » informe qu’on module à chaque fois en articulant et désarticulant ses propriétés. Ainsi, avec la modernité musicale apparaitront plusieurs mises en question et renversements du paradigme téléologique. L’analyse d’un certain nombre d’œuvres de Debussy, Schoenberg, Cage, Ligeti et Feldman nous conduira alors à questionner : que se passe-t-il dans les musiques non-téléologiques ? Quels types de mouvements (« cinématique ») existent à l’intérieur de ces musiques ? Comment les analyser, comment décrire leurs comportements (« éthologie ») afin de saisir leurs formes esthétiques ? Comment décrire la multiplicité de dimensions différentes qui entrent en jeu lorsque nous analysons esthétiquement des musiques qui échappent à une compréhension téléologique ? Quels rapports entretiennent ces musiques au « telos » et à la négation de celui-ci, au « discours » signifiant et aux « figures » non signifiantes, à la « transcendance » et à l’« immanence » ? Comment penser et nommer le sens musical en dehors du paradigme téléologique, c’est-à-dire, quels nouveaux « faire sens » émergent de ces musiques ?

 

Mots clés : esthétique musicale / analyse musicale / temps musical / mouvement musical / téléologie musicale / téléologie négative / philosophie de la musique

 

 

“Negative teleology” : behaviors (ethology) and movements (kinematics) of non-teleological music

 

Abstract :

For a long time, music writing in the Western world has followed the image of a discursive and temporal device that prioritizes a linear and causal deployment of the form. Thus, the movement of musical matter – and with it, musical meaning itself – was caught “on the rails” of a teleological path. However, this “teleological” appearance of music, i.e., its temporal sequence “in accordance with time”, would be nothing but an artifice (Adorno, 2011 [1974] : 45). On closer inspection, musical time reveals its true image, which is more like a shapeless “lava” that can be modulated in each instance by articulating and disarticulating its properties. Consequently, with musical modernity, multiple questionings and reversals of the teleological paradigm will emerge. The analysis of a series of works by Debussy, Schoenberg, Cage, Ligeti and Feldman will guide us in the examination of the following questions : What happens in non-teleological music ? Which types of movement (“kinematics”) exist within these musical works ? How do we analyze them, how do we describe their behaviors (“ethology”) in order to grasp their aesthetic forms ? How can we describe the multiplicity of different dimensions that come into play in the analysis of music that escapes a teleological comprehension ? What kind of relationship do these works hold to the “telos” and to its negation, to the signifying “discourse” and to the non-signifying “figures”, to the “transcendence” and to the “immanence” ? How can we think and nominate musical meaning outside the teleological paradigm, or to put it another way, which new ways of sense-making emerge from these works ?

 

Keywords : musical aesthetic / musical analysis / musical time / musical movement / musical teleology / negative teleology / music philosophy